Descripteurs sonores : un vocabulaire commun

Revue de littérature non-exhaustive sur le design acoustique (2/3)

éléonore sas
4 min readFeb 10, 2021

Extraits d’une recherche menée dans le cadre d’une étude sur les interfaces de fait sonores, c’est-à-dire sur les sons qui nous renseignent sur l’état d’un système. Cette revue de littérature a servi de base à une étude expérimentale sur la nature fonctionnelle de ces interfaces et sur les capacités des utilisateurs à reconnaître la nature et la fonction des sons (en particulier, les stratégies cognitives adoptées pour reconnaître un son hors de son contexte).

Cette étude a été réalisée dans le cadre de l’unité d’enseignement “Analyse des situations”, enseignée par Pierre-Henri Dejean, et avec l’aide de Nicolas Dauchez, enseignant en “Design acoustique”, tous deux à l’Université Technologique de Compiègne (UTC).

Les trois dimensions (ou sphères) déterminant les critères de description

Afin de former un vocabulaire commun de caractérisation des sons, nous utilisons plusieurs “niveaux”, “dimensions” ou “sphères” de description, décrits par Nicolas Misdariis dans Sciences du Design Sonore-Approche intégrée du design sonore au sein de la recherche en design. Celles-ci sont directement liées à nos différents types d’écoutes (voir article précédent).

Écoute réduite

De cette façon, en écoute réduite, nous utilisons la sphère dite morphologique ou physique. Ainsi, nous cherchons à décrire de façon technique ce que nous “entendons” dans les sons : leur durée, leur mouvement, leur direction, leur masse/variabilité, leur potentielle accélération, leur type d’enveloppe (ou d’attaque), leur calibre, leur registre (ou fréquence), les potentiels effets qui leur ont été appliqués, leur spatialisation, etc. Nous utilisons donc à la fois des critères schaeffériens (ex : la masse), des analyses liées à la distinction des sons environnementaux et non-musicaux (ex : mouvement), d’autres critères physiques du son (ex : durée) et des effets acoustiques artificiels (ex : réverbération).

Écoute causale

En écoute causale, nous décrivons les sons selon la sphère causale. De cette façon, nous cherchons à déterminer l’origine réelle, supposée ou imaginée de ce que nous “écoutons”. Cependant, un même artefact peut produire une multitude de sons différents. Pour déterminer ce qui est responsable d’un son, nous cherchons donc souvent à identifier l’événement qui en est à l’origine (“complexe causal”). Plus précisément, nous cherchons à distinguer l’action ayant produit le son (couper, froisser, déchirer, tirer, tomber…), le matériau qui caractérise la qualité sonore (fluide, liquide, solide, synthétique, organique, végétal…) et le type d’excitation de l’artefact qui permet de différencier les sons émis par une même source. Ce type de description est plus facile à réaliser que la description du “corps sonore” lui-même. Elle est donc régulièrement utilisée même si elle demeure peu détaillée et donc insuffisante pour différencier des sons très proches.

Écoute sémantique

Enfin, en écoute sémantique nous nous référons à des adjectifs de perception compris dans la sphère sémantique. Pour “comprendre” d’où proviennent les sensations, les émotions et les significations que nous tirons des sons, nous associons ces derniers à des souvenirs auditifs. Néanmoins, il est généralement très difficile de mémoriser un son en soi. Pour s’en rappeler, nous l’associons donc souvent à une image mentale.

Regroupement des descripteurs sonores utilisés : le lexique sonore de Maxime Carron

Nous ne disposons donc pas d’un vocabulaire officiel pour décrire précisément les différentes caractéristiques de ce que nous entendons. Dans sa thèse, Méthodes et outils pour définir et véhiculer une identité sonore: application au design sonore identitaire de la marque SNCF, Maxime Carron a ainsi listé les 35 descripteurs sonores (c’est-à-dire les adjectifs pour décrire les sons) les plus couramment utilisés en écoute réduite, à partir de l’analyse bibliographique de 45 articles publiés sur 2 siècles.

En ressortes les termes les plus usités : “doux”, “mat”, “aigu”, “fort”, “grave”, “rugueux” et “brillant”. A partir de cette même liste, il a également réalisé une enquête sur les descripteurs les plus compris par les auditeurs lors de l’apprentissage de ces concepts.

Suite à cette première phase de recherche, il a organisé le lexique récurrent en paires de mots au sens opposé (ex : “fort” et “faible”) et ce dans 3 classes :

  • Qualités générales
  • Morphologie temporelle
  • Timbre et caractère
Classification des descripteurs sonores courants en paires et selon 3 catégories

Le lexique identifié peut notamment servir à formuler des questions dans un test perceptif, visant à classer les sons. Pour aller plus loin, Maxime Carron a également inventé un système d’illustrations sonores selon la nature des sons : musicale, humaine (voix), produite par l’environnement, filtrée et synthétique.

Outils d’illustrations sonores par Maxime Carron

Conclusion

La liste réduite de M. Carron sur les descripteurs sonores les plus utilisés et les plus communément compris aide à la mise en place de tests psycho-acoustiques unidimensionnels et multidimensionnels. Malgré cela, nous ne réussissons pas toujours à nous entendre sur le choix de nos descripteurs sonores. De plus, pouvoir généraliser et objectiver les recherches, il est nécessaire de déterminer des critères mesurables et plus objectifs de description des sons. Et ceci dans le but de pouvoir généraliser et objectiver nos recherches.

Retrouvez la troisième et dernière partie de cette recherche autour du design acoustique dans mon prochain article sur les critères objectifs (et donc mesurables) de description des sons.

--

--

éléonore sas

UX designer et doctorante en géographie (La Rochelle Université-CNRS), je cherche à déconstruire/changer le rapport humain-nature occidental via un jeu sérieux.